ABSENCE DE L’INCISIVE LATERALE PERMANENTE SUPERIEURE

CONSÉQUENCES ET GESTION DE L'ESPACE EN ORTHODONTIE


L’absence d’une ou de deux incisives latérales supérieures est un phénomène relativement rare (2 à 10%) mais qui reste une préoccupation dans notre pratique quotidienne.

1. Agénésie de la 12 et 22 en vue latérale
1. Agénésie de la 12 et 22 en vue latérale

Devant cette anomalie, le praticien se trouve confronté au problème de gestion des conséquences et de l’espace laissé par ces dents (Fig. 1).

Durant notre travail et par la présentation de certains cas cliniques, nous essayerons de mettre le point sur :

  • Les conséquences esthétiques et fonctionnelles de cette absence.
  • La difficulté de prise en charge de part la durée et la diversité des compromis thérapeutiques. 
  • Le rôle de l’omnipraticien devant une telle situa­tion.

2.Rappels :
Morphogenèse et éruption :

Organisation des germes des dents permanentes maxillaires:L’incisive latérale (2) en position palatine
Organisation des germes des dents permanentes maxillaires:
L’incisive latérale (2) en position palatine

L’incisive latérale permanente maxillaire prend naissance de la lame dentaire de remplacement sous forme d’un bourgeon au dessus et en lingual des bourgeons déciduaux vers la 4ème semaine de la vie intra-utérine (Fig.2).

Le germe débute sa calcification vers l’âge de 3 ans et occupe la position la plus palatine et souvent en rotation.

La latérale supérieure fait son éruption après celle de la centrale entre 7 ans 8/12 9 ans 8/12 avec un décalage acceptable allant jusqu’à 6 mois entre 12 et 22. Au-delà de cette date on admet qu’il y a anomalie.

Occlusion :

Les incisives latérales supérieures forment avec leurs homologues « centrales » un arc incisif symétrique et harmonieux sans déviation (Fig.3).

Occlusion physiologique : Incisives latéralesmaxillaires en place
Occlusion physiologique : Incisives latérales
maxillaires en place

Elles s’engrènent en occlusion avec les deux incisives inférieures par un double contact sous un bon recouvrement et un correct surplomb 1.5 mm.

Elles participent efficacement dans le déroulement du glissement mandibulaire en propulsion assurant un bon guide incisif 2/4 sans interférence.


C.Rôle esthétique et fonctionnel :

4. Sourire éclatant de face chez une adolescente :Place prépondérante des incisives dans le sourire.
4. Sourire éclatant de face chez une adolescente :
Place prépondérante des incisives dans le sourire.

L’arc incisif complet de part son harmonie, sa forme, sa symétrie et sa continuité, est le critère majeur d’un sourire beau et séduisant et d’une face harmonieuse dentée et jeune (Fig.4).

De profil, il s’agit de la position et de la forme de la lèvre supérieure en rapport étroit avec la position des incisives supérieures et encore plus avec leur présence par le rôle d’assise qu’elles lui confèrent dans le sens sagittal et vertical (convexité chez les femmes).

Leur fonction incisale est irréfutable et donc leur rôle masticatoire est prépondérant.

Un guide et une pente incisifs corrects assurent une propulsion mandibulaire physiologique tout en préservant la santé de l’appareil stomatognatique (Fig.5).


5. Guide et pente incisive.
5. Guide et pente incisive.

En outre, l’incisive latérale supérieure, par la face distale de sa racine, assure un guide éruptif indispensable pour la mise ne occlusion de la canine, et donc son absence, sa dysmorphie ou sa dystopie ne sont pas sans conséquences (risque d’inclusion canine) (Fig.6. A et B).

A
A

B
B
6. L’incisive latérale constitue un guide éruptif pour la canine :


A..1er contact entre canine et latérale au niveau du 1/3 apical et création d’un diastème entre incisive centrale et latérale (Ugly Duck ou signe du vilain petit canard de BROADBENT).

B.La canine descend le long de la racine de la latérale avec fermeture conséquente du diastème inter-incisif.

3.Fréquence et épidémiologie : (Agénésie+++)

L’absence par agénésie est plus fréquente chez les femmes (3/2), de face courte.

Plutôt unilatérale (¾ des cas), souvent accompagnée d’une anomalie de forme (grain de riz) ou de structure de l’homologue (Fig.7) et dans certains cas de l’inclusion de la canine (Fig.8). (F. Bassigny)

Chez le sujet masculin dolichofacial avec proalvéolie, l’absence est surtout due à un traumatisme.

7. Anomalie de forme et de structure et de position des deuxlatérales :
7. Anomalie de forme et de structure et de position des deux
latérales :

12 riziforme avec dysplasie amélaire.

22 riziforme et e n transposition avec la 23.

8. Agénésie des deux incisives latérales chez une fillette de 10 ans.
8. Agénésie des deux incisives latérales chez une fillette de 10 ans.

Démarche diagnostique :

1.Diagnostic positif :

Le diagnostic de toute dent absente est surtout clinique tout d’abord mais confirmé obligatoirement par un examen radiologique minutieux.

A.Interrogatoire et anamnèse :

Permet de :
  • Chercher une prédisposition familiale devant une agénésie (Fig.9).
  • Eliminer l’éventualité d’une extraction préalable (Fig.10).
  • Chercher des antécédents de traumatisme sur le pare-choc incisif.
  • Chercher des antécédents de carie, de mobilité, de cellulite, de tumeur (Fig.11)…
A
A

B
B


C
C


D
D

9. Agénésie bilatérale familiale des incisives latérale : 
A. Anis 12 ans : photo de face.
B. Vue intra-buccale de l’occlusion d’Anis de face. 
C. Hani 10 ans : photo de face.
D. Vue intra-buccale de l’occlusion de Hani de face.

A
A

B
B

10. Erreur de diagnostic entre 52 et 12 : A. Extraction de la 12 la confondant avec la 53 par un omnipraticien. B. Mise en place orthodontique d’une dents surnuméraire a la place de la 12.

A
A

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B

C
C
11. Kyste maxillaire imposant l’extraction de la 12 :


A. Absence clinique de la 12 et de la 13 et persistance de la 53.

B. Radiographie préliminaire mettant en évidence la 12 incluse.

C. Radiographie de contrôle après extraction chirurgicale de la 12.


B.Examen clinique :             

Débute par l’établissement de la formule dentaire en tenant compte de l’âge dentaire du patient ce qui permet de révéler l’absence d’une ou des deux incisives latérales définitives supérieures :

  • Persistance de la latérale lactéale et absence de la définitive (cas d’agénésie).
  • Diastèmes résiduels réduits sur le site des latérales se répartissant souvent sur l’ensemble de la denture donnant l’impression de microdontie (Fig.12).
  • Parfois inclusion canine consécutive (Fig.13).
  • Guide incisif et protection canine perturbés donnant des prématurités et des interférences occlusales (Fig.14.A, C).
  • Déviation de l’arcade et perte de sa symétrie et de sa continuité lorsque l’absence est unilatérale (Fig.14.D).
  • Souvent dysharmonie dento-maxillaire inférieure compliquant le traitement (Fig.14.B).
  • Lorsqu’elle est bilatérale, le profil est souvent concave avec une lèvre supérieure affaissée et un nez proéminent associé à une rétroalvéolie supérieure, un proglissementmandibulaire ou carrément une classe III squelettique (Fig.15). 
12. Agénésie bilatérale (12 et 22) avec diastèmes résiduels
12. Agénésie bilatérale (12 et 22) avec diastèmes résiduels

A
A

B
B
13. Agénésie des deux latérales (12 et 22) avec retard d’éruption des canines (13 et 23) : 

A. Vue intra-buccale. 
B. Radiographie panoramique.

A
A

B
B

C
C

D
D
 14. Patient de 13 ans avec agénésie de la 22 et une 12 riziforme :

A. Interférences occlusales très probable en propulsion et en latéralités.

B et C. Dysharmonie dento-maxillaire aggravatrice.

D. Déviation nette de la médiane incisive du coté de l’agénésie.

15. Vue latérale visualisant un profil concave chezune fillette de 10 ans
15. Vue latérale visualisant un profil concave chez
une fillette de 10 ans

C.Examen radiologique :

C’est un document complémentaire de 1ère intention indispensable pour trancher et confirmer cette absence.

C’est le clicher panoramique qui fait référence dans le dépistage (Fig.16) mais systématiquement complété par des clichesrétroalvéolaires et parfois un mordu occlusal.

16. Radiographie panoramique montrant l’absence de la 12 etla forme effilée de la 22.
16. Radiographie panoramique montrant l’absence de la 12 et
la forme effilée de la 22.

Cet examen permet également d’apprécier l’état des racines (Fig.17) ainsi que la qualité de la trame osseuse avoisinant le site.

17.Radiographie panoramique montrant l’agénésie des 12 et 22
17.Radiographie panoramique montrant l’agénésie des 12 et 22

avec résorption des racines des latérales lactéales (53 et 63)par les couronnes des canines définitives (13 et 23).

2.Diagnostic étiologique :

  • Hérédité : anomalies  dentaires à transmission dominante retrouvées dans une lignée familiale ; agénésie, latérale riziforme, dysplasie avancée…
  • Fentes labio-palatines et grands syndromes : soit par défaut de matériel dentaire (agénésie/oligodontie) ou alors par manque sévère de support osseux amenant à la perte de la dent.
  • Accidents infectieux (carie, parodontopathie, mobilité+++…) ou tumoraux (kyste, tumeurs…)
  • Traumatisme alvéolo-dentaire sur la région incisivo-canine surtout en présence d’une proalvéolie supérieure.
  • Extraction iatrogène par confusion entre latérale lactéale et définitive ou erreur de diagnostic.
  • Résorption radiculaire : iatrogène (force orthodontique lourde ou mouvement de va-et-vient) ou alors pathologique (extension kystique, pression de la couronne de la canine sur la racine de l’incisive latérale en présence.

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